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Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 11.djvu/40

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qu’il y a entre nous, dit-elle avec franchise. Cher Godefroid, n’y revenez jamais. La naissance de Ferdinand, ses antécédents, sa fortune n’y sont pour rien, ainsi croyez à quelque chose d’extraordinaire. Cependant, à quelques jours de là, Malvina prit Beaudenord à part, et lui dit : — Je ne crois pas monsieur Desroches honnête homme (ce que c’est que l’instinct de l’amour !), il voudrait m’épouser, et fait la cour à la fille d’un épicier. Je voudrais bien savoir si je suis un pis-aller, si le mariage est pour lui une affaire d’argent. Malgré la profondeur de son esprit, Desroches ne pouvait deviner du Tillet, et il craignait de lui voir épouser Malvina. Donc, le gars s’était ménagé une retraite, sa position était intolérable, il gagnait à peine, tous frais faits, les intérêts de sa dette. Les femmes ne comprennent rien à ces situations-là. Pour elles, le cœur est toujours millionnaire !

— Mais comme ni Desroches ni du Tillet n’ont épousé Malvina, dit Finot, explique-nous le secret de Ferdinand ?

— Le secret, le voici, répondit Bixiou. Règle générale : une jeune personne qui a donné une seule fois son soulier, le refusât-elle pendant dix ans, n’est jamais épousée par celui à qui…

— Bêtise ! dit Blondet en interrompant, on aime aussi parce qu’on a aimé. Le secret, le voici : règle générale, ne vous mariez pas sergent, quand vous pouvez devenir duc de Dantzick et maréchal de France. Aussi voyez quelle alliance a faite du Tillet ! Il a épousé une des filles du comte de Grandville, une des plus vieilles familles de la magistrature française.

— La mère de Desroches avait une amie, reprit Bixiou, une femme de droguiste, lequel droguiste s’était retiré gras d’une fortune. Ces droguistes ont des idées bien saugrenues : pour donner à sa fille une bonne éducation, il l’avait mise dans un pensionnat !… Ce Matifat comptait bien marier sa fille, par la raison deux cent mille francs, en bel et bon argent qui ne sentait pas la drogue.

— Le Matifat de Florine ? dit Blondet.

— Eh ! bien, oui, celui de Lousteau, le nôtre, enfin ! Ces Matifat, alors perdus pour nous, étaient venus habiter la rue du Cherche-Midi, le quartier le plus opposé à la rue des Lombards où ils avaient fait fortune. Moi, je les ai cultivés, les Matifat ! Durant mon temps de galère ministérielle, où j’étais serré pendant huit heures de jour entre des niais à vingt-deux carats, j’ai vu des originaux qui m’ont convaincu que l’ombre a des aspérités, et que dans la plus grande platitude on peut rencontrer des angles ! Oui, mon