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Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 7.djvu/108

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II. LIVRE, SCÈNES DE LA VIE DE PROVINCE.

avec une pensée favorable au républicain, à travers une délibération où le chevalier avait néanmoins tous les avantages.

— Dieu le veut, se dit la vieille fille en voyant du Bousquier.

— Mademoiselle, vous ne trouverez pas mon empressement mauvais ; je n’ai pas voulu me fier à cette grosse bête de René pour savoir de vos nouvelles, et je suis venu moi-même.

— Je vais parfaitement bien, répondit-elle d’une voix émue. Je vous remercie, monsieur du Bousquier, fit-elle après une pause et d’une voix très-accentuée, de la peine que vous avez prise et que je vous ai donnée hier…

Elle se souvenait d’avoir été dans les bras de du Bousquier, et ce hasard surtout lui paraissait un ordre du ciel. Elle avait été vue pour la première fois par un homme, sa ceinture brisée, son lacet rompu, ses trésors violemment lancés hors de leur écrin.

— Je vous portais de si grand cœur que je vous ai trouvée légère.

Ici mademoiselle Cormon regarda du Bousquier comme elle n’avait encore regardé aucun homme dans le monde. Encouragé, le fournisseur jeta une œillade à la vieille fille.

— C’est dommage, ajouta-t-il, que cela ne m’ait pas donné le droit de vous garder pour toujours à moi. (Elle écouta d’un air ravi.) — Évanouie, là, sur ce lit, entre nous, vous étiez ravissante ; je n’ai jamais vu dans ma vie de plus belle personne, et j’ai vu beaucoup de femmes !… Les femmes grasses ont cela de bien qu’elles sont superbes à voir, elles n’ont qu’à se montrer, elles triomphent !

— Vous voulez vous moquer de moi, fit la vieille fille, et ce n’est pas bien quand toute la ville interprète mal peut-être ce qui m’est arrivé hier.

— Aussi vrai que j’ai nom du Bousquier, mademoiselle, je n’ai jamais changé de sentiments à votre égard, et votre premier refus ne m’a pas découragé.

La vieille fille avait les yeux baissés. Il y eut un moment de silence cruel pour du Bousquier. Mais mademoiselle Cormon prit son parti, elle releva ses paupières, des larmes roulaient dans ses yeux, elle regarda du Bousquier tendrement.

— Si cela est, monsieur, dit-elle d’une voix tremblante, promettez-moi seulement de vivre en chrétien, de ne jamais contrarier mes habitudes religieuses, de me laisser maîtresse de choisir mes directeurs, et je vous accorde ma main, dit-elle en la lui tendant.