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Page:Balzac - Contes drolatiques.djvu/527

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BERTHE LA REPENTIE.

flustes. Doncques il ramena Berthe en son chasteau, laquelle luy dit avoir prins une compaignie et la luy monstra. Ce estoyt le dict seigneur desguisé en fille par le soin de sa cousine, ialouse de Berthe, et qui la vouloyt emputaner, en raige de sa vertu. Imbert refrongna ung brin, saichant que ce estoyt Sylvie de Rohan ; mais aussy, trez-esmeu de la bonté de Berthe, il la mercia de s’entremettre à ramener au bercail une brebiette esgarée. Il festoya bien sa bonne femme en ceste darrenière nuictée, laissa des gens d’armes au chastel, puis se departit avecques le Daulphin pour la Bourgongne, ayant un cruel ennemy en son giron, sans en avoir nul soupçon. La face dudict mignon luy estoyt incogneue, pour ce que ce estoyt ung ieune paige venu pour veoir la Court du Roy, et que nourrissoyt monseigneur de Dunois, chez lequel il servoyt comme bachelier. Le vieulx seigneur, en fiance que ce estoyt une fille, la treuva moult pieuse et craintifve, veu que le gars, redoubtant le languaige de ses yeulx, les tint tousiours baissez ; puis, se sentant baisé en la bouche par Berthe, il trembloyt que sa iuppe ne feust pas discrette et s’esloingnoyt aux croisées tant il avoyt paour d’estre recogneu pour homme par Bastarnay, et desconfict paravant d’avoir iouy de sa mye. Aussi feut-il ioyeulx comme tout amant l’eust esté en sa place quand, la herse baissée, le vieulx seigneur chevaulchia dans la campaigne. Il avoyt eu telles affres, que il feit vœu de bastir ung pillier à ses despens en la cathédrale de Tours, pour ce qu’il avoyt eschappé au dangier de sa folle emprinse. De faict, donna cinquante marcs d’argent pour payer sa ioye à Dieu. Mais, par adventure, il la paya derechief au diable, ce qui appert des faicts ensuyvans, si le Conte vous duit tant que vous ayez phantaisie d’en suyvre le narré, lequel sera succinct comme doibt estre tout bon discours.



II

quels feurent les déportemens de berthe, sçaichant les chouses de l’amour.


Ce dict bachelier estoyt le ieune sire Iehan de Sacchez, cousin du sieur de Montmorency, auquel, par la mort du dict Iehan,