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Page:Balzac - Contes drolatiques.djvu/605

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DIRES INCONGRUS DE TROIS PÈLERINS.

sées à ceste fin de veoir comment se fabricquoyent les hommes. — Et que as-tu veu ? feis-je. — Ay veu, dit-il, une belle femme en train d’estre achevée, pour ce que il luy falloyt une seule cheville que ung ieune fabricquant luy boutoyt en grant ardeur. Aussitost faicte, elle ha viré, parlé et baisé son manufacturier. — Soupez, » feis-je, puis, durant la nuict, ie retournay en Bourgongne et le laissay à sa mère, en grant paour que à la prime ville il ne voulust bouter sa cheville en quelque fille.

— Ces dicts enfans font souvent telles reparties, feit le Parisien. Celluy de mon voisin découvrit le cocquaige de son père par ung mot que vécy. Ung soir ie luy dis, pour sçavoir s’il estoyt bien apprins en l’eschole ez chouses de la religion : « Que est-ce que l’espérance ? — Ung gros arbalestrier du Roy, qui entre céans quand mon père en sort, » feit-il. De faict, le sergent des arbalestriers du Roy estoyt ainsy surnommé en sa compaignie. Le voisin feut quinauld d’ouyr ce mot, et, encores que par contenance il se contemplast au mirouer, il ne put y veoir ses cornes.

Le baron feit ceste remarque que le dire de cettuy gars estoyt bel en cecy : que, de faict, l’Espérance est une garse qui vient couchier avecques nous, alors que les réalitez de la vie font deffault.

— Ung cocqu est-il faict à l’imaige de Dieu ? dit le Bourguignon.

— Non, feit le Parisien, pour ce que Dieu feut saige en cecy que il ne ha point prins femme ; aussy est-il heureux durant l’éternité.

— Ains, dit la servante, les cocqus sont faicts à l’imaige de Dieu paravant d’estre escornez.

Sur ce, les trois pèlerins mauldirent les femmes, en disant que par elles se faisoyent tous maulx en ce monde.

— Leurs caz sont creux comme heaulmes, dit le Bourguignon.

— Leur cueur est droict comme serpe, feit le Parisien.

— Pourquoy veoit-on tant de pèlerins et si peu de pèlerines ? feit le baron allemand.

— Leurs damnez caz ne pèchent point, respondit le Parisien. Le caz ne cognoist ni père ni mère, ni les commandemens de Dieu ni ceulx de l’Ecclise, ni loys divines, ni loys humaines ; le caz ne sçayt aulcune doctrine, n’entend point les hérésies, ne