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Page:Balzac - Contes drolatiques.djvu/606

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CONTES DROLATIQUES.

sçauroyt estre reprouché ; il est innocent de tout et rit tousiours, son entendement est nul, et pour ce l’ay-ie en horreur et détestation profunde.

— Aussy moy, feit le Bourguignon, et ie commence à concepvoir la variante faicte par un sçavant ez versets de la Bible, en lesquels il est rendu compte de la Création. En ce commentaire, que nous nommons ung Noël en nostre pays, gist la raison de l’imperfection du caz des femmes, duquel, au rebours des aultres femelles, aulcun homme ne sçauroit estanchier la soif, tant s’y rencontre ardeur diabolicque. En ce Noël, il est dict que le Seigneur Dieu ayant torné la teste pour resguarder ung asne, lequel brayoyt pour la prime foys en son paradiz, durant que il fabricquoyt Eve, le diable print ce temps pour bouter son doigt en ceste trop parfaicte créature et feit une chaulde blessure que le Seigneur eut cure de bouchier par ung poynct : d’où les pucelles. Au moyen de ceste bride, la femme debvoyt demourer close et les enfans se fabricquer à la manière dont le Seigneur avoyt faict les anges, par ung plaisir autant au-dessus du charnel que le ciel estoyt au-dessus de la terre. Advisant ceste closture, le diable, marry d’estre quinauld, tira par la peau le sieur Adam, qui dormoyt, et l’estendit en imitation de sa queue diabolicque ; ains, pour ce que le père des hommes estoyt sur le dos, cet appendice se trouva devant. Par ainsy, ces deux diableries eurent la passion de soy réunir par la loi des similaires que Dieu avoyt faicte pour le train de ses mondes. De là, vint le prime péché, et les douleurs du genre humain, pour ce que Dieu, voyant l’ouvraige du diable, se complut à sçavoir ce qui en adviendroyt.

La servante dit lors que ils avoyent raison en leurs dires, pour ce que la femme estoyt ung maulvais bestail, et que elle en cognoissoyt que elle aymeroyt mieulx en terre qu’en prez. Les pèlerins voyant lors que ceste fille estoyt belle, eurent paour de faillir à leurs vœux, et s’allèrent couchier. La fille vint dire à sa maistresse que elle logioyt des mescréans et luy raconta leurs dires en l’endroict des femmes.

— Hé ! feit l’hostelière, peu me chault des pensiers que les chalands ont en leurs cervelles, pourveu que leurs bougettes soyent moult garnies.

Ains, lorsque la servante eut parlé des ioyaulx :

— Vécy qui resguarde toutes les femmes, dit-elle trez-esmue.