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Page:Balzac - Contes drolatiques.djvu/607

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DIRES INCONGRUS DE TROIS PÈLERINS.

Allons les arraisonner ; ie prends les nobles et ie te baille le bourgeoys.

L’hostelière, qui estoyt la plus pute bourgeoyse de la duchié de Milan, dévalla en la chambre où couchioyent le sire de la Vaugrenand et le baron allemand, et les congratula sur leurs vœux, en leur disant que les femmes n’y perdoyent pas grant chouse ; ains que, pour accomplir ces dicts vœux, besoing estoyt de sçavoir s’ils résisteroyent à la plus miesvre des tentations. Lors, elle s’offrit à couchier près d’eulx, tant elle estoyt curieuse de vérifier si elle ne seroyt point chevaulchiée, ce qui ne luy estoyt advenu dedans aulcun lict où elle avoyt eu compaignie d’homme.

Lendemain, au desieuner, la servante avoyt l’annel au doigt ; la maistresse avoyt chaisne d’or au col et les perles aux aureilles. Les trois pèlerins demourèrent en ceste dicte ville environ ung mois, y despendirent l’argent que ils portoyent en leurs bougettes, et convindrent que, s’ils avoyent faict telles mauldissons sur les femmes, ce estoyt pour ce que ils ne avoyent point gousté aux Milanaises.

A son retourner en Allemaigne, le baron feit ceste observation que il ne estoyt coulpable que d’ung peché, ce estoyt d’estre en son chastel. Le bourgeoys de Paris revint avecques force cocquilles et treuva sa bourgeoyse avecques l’Espérance. Le sire Bourguignon veit la dame de la Vaugrenand tant marrie, que il faillit crever des consolations qu’il luy bailla, nonobstant ses dires.

Cecy prouve que nous debvons nous taire ez hostelleries.