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Page:Balzac Histoire des oeuvres 1879.djvu/382

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— Avec la Palférine.

— Horace, est-il vrai que ce pauvre vidame de Pamiers soit au plus bas ?

— Il est mort aujourd’hui, à cinq heures.

— Comment ! le docteur Bianchon tue ses malades, ni plus ni moins qu’un chirurgien de village ?

— Eh ! mon cher, je ne suis pour rien dans l’affaire. Il est mort de ses quatre-vingt-dix-sept ans sonnés !

— Bixiou, vos dernières caricatures ne valent pas le diable.

— Parbleu ! je voudrais bien vous y voir, vous, avec la censure !

— Bonjour, Léon de Lora ; bonjour, Stidmann, votre exposition est superbe, mes enfants ! vous êtes les princes du Musée. Dites donc Stidmann, Pradier vient de mourir… Voilà une belle place à prendre.

— Hélas ! cher comte, il y a des hommes qu’on ne remplace pas !

Toutes ces questions et toutes ces réponses bondirent comme les volants que deux joueurs habiles s’envoient et se renvoient dans une partie de raquettes bien menée.

M. de Rastignac se tourna de mon côté.

— Êtes-vous toujours aussi incrédule ? me demanda-t-il avec un fin sourire.

— Moi, monsieur ? Dieu me garde de douter de votre parole !

La vérité est que je ne savais ni que croire ni que penser.

À mesure que mon célèbre compatriote les interpellait ainsi, d’un œil avide je contemplais tous ces hommes dont les noms sont devenus, grâce à M. de Balzac, bien plus que par leurs travaux, populaires dans toute l’Europe civilisée. À l’exception de Bixiou, maigre, assez piètrement vêtu, et point décoré, les autres m’apparurent cossus, décorés et dans l’état de santé le plus florissant. Madame Tullia du Bruel, encore fort appétissante, portait, non sans grâce, cet embonpoint aimable qui envahit les danseuses lorsqu’elles font succéder, sans transition, les douceurs du farniente aux incessantes tortures de leur rude métier. La Palférine, accoudé familièrement sur le dossier de sa chaise, étalait une chemise idéale et un gilet impossible.

— Est-ce que M. de la Palférine ne voit plus madame de Rochegude ? demandai-je à M. de Rastignac.

— Il est revenu complètement à la belle Tullia. Il assure que, tout compte fait, le cuisinier de du Bruel est un des plus grands artistes qui soient à Paris.

— Madame de Rochegude vit-elle encore ?

— Vous pouvez la voir dans la première avant-scène du rez-de-chaussée.

— Qui donc l’accompagne ?

— Conti.

— Conti, le célèbre musicien ?

— Dame ! vous savez la chanson :

Et l’on revient toujours
À ses premiers amours !

Je me sentis pris d’un vif désir d’examiner de près cette artificieuse blonde qui