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Page:Banville - Dans la fournaise, 1892.djvu/178

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Dans la nuit qui déjà me prend et me dévore,
Ma petite Marie était comme une aurore
Qui répandait sur moi, père tremblant d’amour,
Les rayons de la vie et les roses du jour.
Or à présent je suis vaincu par l’ombre amère,
Et lorsqu’ainsi j’entends les sanglots de sa mère
Dont le sein est gonflé par des pleurs étouffants,
Je me trouble en mon cœur pour mes autres enfants.
Hélas ! tout mon espoir se déchire et succombe
Car le vautour muet tient ma chère colombe ;
Mais si du petit lit tu daignes t’approcher,
Ô toi qui fais jaillir l’eau vive du rocher
Et devant qui la mort s’enfuit humble et craintive,
Tu n’as qu’à dire un mot pour que ma fille vive.
Or, entendant toujours les femmes soupirer,
Jésus leur dit : Pourquoi vous troubler et pleurer ?
Puis, ayant relevé sa chevelure rousse,
Le Maître, d’une voix mystérieuse et douce,
Ajouta : Cette enfant n’est pas morte, elle dort.
Comme lorsqu’au matin le jour s’éveille et sort
De la nue, un rayon de lumière fleurie
Parut, et se posa sur le lit de Marie.
Ainsi dans la clarté riante du soleil
Qui la prit toute blanche en son réseau vermeil,