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Page:Banville - Dans la fournaise, 1892.djvu/60

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Et le fer de la lance ouvrit son flanc saignant.
Lui qui, plein de bonté, s’en allait, enseignant,
Il a des vils crachats subi la tache noire.
Prince, il a revêtu la pourpre dérisoire ;
Il a mouillé sa lèvre à l’éponge de fiel,
Tandis que gémissaient les beaux Anges du ciel.
Il expira. Quand les nuages entendirent
Son souffle s’exhaler, les rochers se fendirent.
Et maintenant, ma sœur, après deux fois mille ans,
Tandis qu’on voit, ainsi qu’un grand vol de milans,
Les Crimes sur nos fronts jeter leur ombre immonde,
Jésus crucifié saigne encor sur le monde.
Elles parlaient ainsi ; mais l’innocente sœur
Séraphine jamais n’a compris la noirceur.
Voir l’Enfant radieux est son unique fête,
Et pâle d’épouvante et l’âme stupéfaite,
Livide, elle murmure en des mots décousus :
Non… Non… C’est trop horrible… Oh ! mon petit Jésus !


Mai 1887.