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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/107

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plaisanteries ou des observations, dues aux hasards et aux accidents de la route ; mais ils le sentaient, ils en souffraient, Hermangarde surtout, l’Antigone de sa grand’mère, dont l’épaule avait toujours été là, moins pour appuyer que pour sentir la main maternelle ; et Marigny comme Hermangarde, l’aventurier Marigny, qui n’avait jamais su, avant son mariage, ce que c’était que le refuge de la famille, que ces entrelacements d’affections, redoublées les unes dans les autres, qui lient un homme à son foyer. Ils allaient être seuls, maintenant, dans le désert de leur bonheur… L’âge avancé de la marquise donnait à son départ la signification d’un autre, qui ne tarderait pas non plus… Y pensait-elle, comme eux ? Mais si elle y pensait, stoïque par bonté, elle étouffait ses attendrissements et venait au secours de l’impression dont ils étaient pénétrés, pour en diminuer la tristesse. Elle animait de son esprit l’esprit moins abattu de madame d’Artelles, qui allait reprendre avec joie ses habitudes de Paris. L’âme payait cher ces efforts suprêmes d’un esprit qui régnait sur elle. Mais ce modèle des grand’mères folles aimait mieux se sevrer de ses larmes que d’en coûter à sa petite-fille ; même de celles-là qui, pures, chaudes et sans amertume, tombent si naturellement des yeux remplis, quand une fille quitte pour la