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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/148

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sée. Ton regard a suffi ; je n’ai pas eu besoin de tes bras.

« Mais donne-les moi tout de même, Ryno ! » Et d’un geste à tout dompter dans la douce fureur de sa grâce, elle lui saisit les bras qu’il avait appuyés sur son fusil, au risque de se blesser… de se crever le front avec l’arme chargée qui pouvait partir.

— « Ah ! Vellini, terrible enfant, — dit-il, en les lui abandonnant d’abord et en les lui retirant, quand elle les eut passés autour de son cou, — tu as ta magie, mais moi, j’ai mon amour !

— Tu as de mon sang dans le tien ! — lui répondit-elle, revenante l’idée fixe qui régnait sur sa tête, incoercible à la raison, — voilà ma magie ! Voilà ce que tu ne pourras jamais ôter de tes veines, quand tu les verserais, quand tu les épuiserais dans le cœur de ton Hermangarde ! Ah ! Ryno, que me fait ton amour ? Nous sommes unis, nous, comme l’enfant l’est à la mère pour avoir partagé le sang de ses entrailles. Est-ce que je veux t’arracher à ta femme ? Non ! Tu ne m’as pas crue, ou tu ne me connais pas. Je suis venue parce que je ne te voyais plus, parce que (je l’ai éprouvé tant de fois !) j’ai, quand tu n’es pas là, comme un trou dans mon âme par lequel s’écoule toute ma vie. Mon uni de sang ! pense à cela… C’est