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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/158

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cous sa main longtemps suspendue, nous avons beau passer les mains de nos corps sur nos nuques d’esclaves afin de nous attester qu’il n’y a rien, l’âme, qu’on ne trompe point, a entendu le bruit de la ferrure, et l’atroce carcan est crocheté !

Elle resta longtemps sur la falaise, cherchant Ryno et ne voyant rien. Elle erra sur ce rocher où l’herbe était si courte et si glissante, et comme elle était déjà dans une disposition souffreteuse, elle augmenta sa souffrance. Mais qu’étaient les peines de son corps en comparaison de celles de son esprit ?… L’idée qu’elle avait écartée, par un généreux effort de sa volonté et de sa foi en Ryno, lui revenait à pas lents dans la pensée. Elle avait, on l’a vu, appris par le monde que M. de Marigny avait été un libertin. Madame de Mendoze n’était pas la seule femme qu’il eût entraînée. Ainsi le passé de son mari, qu’elle avait toujours grandi et poétisé, lui apparut sous un aspect menaçant. Elle attisa avec ce passé mille jalousies dans son sein : « Quand un homme a été libertin, — pensait-elle avec la sainte horreur de l’innocence, — guérit-il jamais de ce vice, — qu’elle regardait comme une maladie, — et quelque accès de cette fureur dégradante aurait-il repris Ryno ? Qu’était cette femme rouge ?… Si lorsque je vais le voir il n’est plus avec elle