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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/160

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lés de larmes et de vent, elle se mit à descendre la falaise, croyant que Ryno pourrait être rentré ; car les heures avaient marché comme elle. Le soleil s’inclinait ; les brumes dispersées le matin se reformaient çà et là ; on ne voyait plus qu’un pan du manteau bleu de la mer partie, traîner là-bas, à l’horizon, du côté de Jersey. Sur toute une vaste surface, les rochers verdâtres montraient leurs pointes dressées entre les fosses d’eau qui les séparent, comme une foule de petits lacs de toute forme et de toute grandeur. Le froid cinglait. Elle marcha vite, moins pour fuir cette atmosphère cruelle d’un soir de novembre, que pour retrouver celui qu’elle avait cherché depuis si longtemps. Elle repassa près du vieux matelot, qui était levé dans sa barque à sec, et qui, sur le point de regagner Carteret, pliait son filet en sifflant.

— « Vous n’avez donc pas rencontré M. de Marigny ? — lui dit-il avec une familiarité respectueuse. — Il vient de dévaler des dunes à l’instant même et a pris le chemin du manoir.

— Était-il seul ? — fit-elle vivement. Question qu’elle ne put retenir et dont elle rougit comme d’une bassesse. Le beau sang des Polastron monta presque aussi vite à son noble front que la question jaillit de ses lèvres.

Vere !  » dit le vieux Griffon, qui avait plus