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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/178

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sonnes l’entouraient et on avait allumé un grand feu, à trois pas de son tillac. Quel était ce vaisseau ? Que faisaient ces personnes entrevues confusément dans le brouillard et les premières ombrées de la nuit ? Hermangarde voulut aller jusque-là au-devant de Ryno. Le vaisseau en question n’était pas très loin de la porte de la grande cour. Le froid, d’ailleurs, dont elle éprouvait la bonne influence à son front qu’elle appuyait contre la vitre, enlèverait à ses yeux la cuisante inflammation des larmes et empêcherait Ryno de voir qu’elle avait trop pleuré. Elle prit sa pelisse et sortit avec Titania, car Marigny avait emmené Titan.

Le spectacle qui l’avait attirée était impressif et presque étrange, quoique la côte dût en voir souvent de pareils. Elle ne s’était point méprise : le vaisseau qu’elle avait devant elle était bien un brick d’une structure élégante et robuste. Deux matelots, en jaquette grise et en camisole rayée, étaient alors occupés à enduire de goudron sa forte carcasse, qui avait souffert de la pointe aiguë des brisants. Le goudron bouillait, épais, visqueux, dans un chaudron posé sur un trépied que léchaient et couronnaient les flammes d’un feu de planches pourries et de douvelles de vieux tonneaux. Un mousse, assis par terre, entretenait ce feu qui rayonnait dans le brouillard embrasé et rou-