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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/183

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pêche, et je ne prendrais pas une étrille[1] qui fût tant seulement bonne pour le déjeuner des servantes d’un cabaret.

— Elle hante donc toujours la côte ? — fit le porte-besace, qui habitait dans les terres.

— Tiens ! c’tte question ! — dit le pêcheur de crabes. Puis, se ravisant : — Mais que j’sis bête ! — reprit-il. — C’est vrai, mon bonhoûmme. Vous n’êtes pas d’ici, que je pense. Vous v’nez jusque de Saint-Maurice.

— Nenni da ! — répliqua le pauvre. — J’sis de Sortôville-en-Baumont, du Hamet[2] aux Lubées, tout contre la terre de Carbonnel.

— Eh ben ! tout d’même, — dit le pêcheur aux crabes, — Sortôville-en-Baumont ou Saint-Maurice ! Quand vous êtes couché dans vot’masure, vous n’pouvez guère savair ce qui se passe dans les mielles de Portbail à Carteret.

— Ah ! j’y ons passé ben tard et en toute saison, — fit le mendiant, se redressant sous sa sacoche, avec l’orgueil de son ubiquité de vagabond sur tous ces rivages. — J’y ons passé ben tard, dans vos gueuses de mielles, si mal commodes pour mes pauvres sabots, avec leurs

  1. Espèce de coquillage de la forme des crabes, mais sans grosse pince et couvert d’un duvet rude par-dessus son écaille. Étrille est le mot populaire. On parle ici comme les poissonniers normands et non comme la science.
  2. Hamet, — hameau.