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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/201

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ques cartes de géographie et de portraits de famille, noirs, austères, enfumés de vétusté ; restes d’une magnifique galerie, détruite par la Révolution. Cette bourrèle, qui ne se contenta pas de couper le cou à des milliers d’hommes, le coupa aussi à des portraits et à des statues. Elle avait donc déchiré ces archives peintes de la famille, et faussé d’une barre homicide le blason fait homme des de Flers. Il n’existait plus à Carteret que quelques vieilles images de ces générations de plusieurs siècles. La marquise, en revenant de l’émigration, avait fait transporter les portraits de la galerie dans la salle à manger du manoir. Revenants majestueux du passé, ils étaient là, plusieurs encore, avec leurs mines hautaines, les uns vêtus de daim, les autres d’acier, la poitrine ornée de ces ordres qui représentaient de si grandes choses, la main à l’épée ou sur le bâton fleurdelisé du commandement. Par un hasard singulier, les deux extrémités de cette ligne d’ancêtres, brisée par la Révolution, s’y rencontraient face à face. On y voyait, le casque à moitié fermé, cet Almaury de Flers, banneret sous Louis IX, et qui sauta le premier de sa galère cypriote dans la mer, au rivage de Ptolémaïs ; et aussi Hector-Sylvain, marquis de Flers (le dernier et le mari de notre marquise), peint à douze ans, dans un cadre ovale et sur un fond