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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/208

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alors il ne regardait plus qu’en lui, et ce qu’il contemplait fascinait sans doute son rayon visuel. Quoiqu’il s’attendît depuis longtemps à cette mort de madame de Mendoze, il n’en était pas moins accablé. Les désordres de sa vie n’avaient jamais desséché son âme. Il n’était point de ces hommes qui passent follement leurs bras épris autour d’une créature vivante pour les en détacher un jour et n’y penser jamais après. Il n’oubliait pas. Quelque chose de triste comme le regret, d’exalté et de religieux comme la reconnaissance, consacrait dans son cœur d’invisibles mausolées aux amours qui n’existaient plus. C’était cette disposition d’une âme profonde que le monde n’avait jamais entrevue (car le monde prend souvent le genre d’esprit qu’on a pour le caractère qu’on n’a pas) ; c’était cette disposition tenue secrète qui créait à Vellini sa fatalité. La physionomie de Marigny, d’ordinaire si calme dans sa poétique fierté, semblait terrassée, tant elle était assombrie. On ne reconnaissait pas, sous cette main crispée, ce front auquel le Bonheur et l’Amour avaient attaché un diadème plus beau que le cercle de lin, étoile d’émeraudes, qu’y portait avec ivresse Sardanapale, ce type royal des hommes heureux quelques jours ! La physionomie de Ryno rappelait la grande et saisissante expression écossaise : on voyait qu’il avait