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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/232

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Bas-Hamet perdirent les lueurs qui filtraient aux jointures des portes et des contrevents, et qui les bordaient de lumière. Le sommeil commença pour ces gens de peine. Seul, le volet de Vellini resta éclairé à sa fente. Qu’étaient dix heures, sinon l’aurore de la nuit pour cette habitante des grandes villes ? Elle avait les yeux toujours fixés sur le miroir d’étain. Tout à coup, ce qu’elle y vit déplissa ses sourcils et mit un suave rayon d’espoir et de joie dans ses lèvres. « Il part ! » dit-elle. Et après le silence d’un instant : « Le voilà au bout du pont ! » reprit-elle, en essuyant du revers de sa main sa tempe, où perlait une sueur légère, « Muy bien ! » reprit-elle encore, les yeux pleins des flammes du triomphe. « Ah ! il vient à moi de toute la vitesse de son cheval. Pauvre Ryno ! comme il est pâle ! Est-ce à moi qu’il pense ou bien à elle ?… » Elle fit une pause : « Où est-il maintenant ? » se demanda-t-elle ; et son regard aiguisé, avivé, entrait dans le miroir comme une sonde. « Sous le chemin qui conduite Barneville, — se répondit-elle. — Ah ! dans dix minutes il sera ici ! » s’écria-t-elle d’une voix timbrée comme un cuivre, sonné par les lèvres gonflées de la Victoire. Et elle se leva radieuse, prit au bahut un plateau de cristal d’une forme orientale, et alluma des pastilles de rose et d’ambre dont l’enivrante vapeur se répandit dans cette chau-