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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/233

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mière, qui s’en serait étonnée si elle avait respiré. Un cheval qui tournait entre la haie et la butte s’entendit sur la neige qui criait. Impétueuse, elle ouvrit la porte, et siffla entre ses doigts chargés de bagues le nom de Ryno. Il l’avait vue ; il l’avait entendue ; il avait déjà vidé les étriers et attaché à l’anneau de fer, incrusté à côté de toutes les portes normandes, son cheval en sueur, sur le dos duquel il eut soin de jeter son manteau. Il vint à elle, et l’arrachant du seuil glacé où elle se tenait les bras nus, la tête nue : « Allons ! encore une imprudence ! » dit-il, et il entra.

La porte s’était refermée, et ils s’assirent sur les gerbes vides. Ryno, qui tremblait d’une émotion sainte, — car il savait bien qu’il avait tort d’être venu nuitamment à cette entrevue, pendant le sommeil confiant de sa femme, — montrait une majesté de tristesse qui contrastait avec le feu de physionomie de la señora. Il portait contre le froid un bonnet de martre, — poétique fantaisie d’Hermangarde, — et une redingote d’un vert sombre, serrée à la taille et bordée de martre comme le bonnet. La jupe de cette redingote, ondoyant comme la fustanelle d’un Grec, tombait au genou sur ses bottes à moitié plissées, où reluisaient des éperons d’acier. Ainsi vêtu, il avait l’air de quelque mystérieux chasseur des Alpes ou d’un chevalier des temps