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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/237

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mourir ensemble dans une impuissante crispation ! Tu as souffert de cette nécessité fatale, parce que tu croyais que le bonheur donné par Hermangarde t’enlèverait de terre et abolirait ta mémoire. Mais encore, Ryno, rappelle-toi ! N’as-tu pas vu un jour, avec moi, dans les Cévennes, un aigle blessé qui emportait sa blessure dans le ciel et marquait de sang dans les airs le sillon tortueux de son vol ? Ryno, Ryno, voilà ton histoire ! Dans les bras d’Hermangarde, en montant au plus pur, au plus bleu de vos rêves, tu emportais les dix ans élargis de Vellini dans ta poitrine, et ni la félicité donnée par ta femme, ni l’éther, — si l’aigle que je me rappelle a pu monter jusqu’à l’éther, — ne devaient guérir, toi, ta blessure, ni lui la sienne ! Ah ! Ryno, c’est en vain que tu ps combattu… Je sais que tu as combattu, — reprit-elle avec un accent de mystère dans le regard et dans la voix, — mon miroir me l’a dit ; je l’ai vu. — Et elle lui montra la petite glace d’étain, pendue à son collier de corail. C’était une glace enchantée, un talisman que la Bohémienne du porche de l’église de Malaga avait donné à sa mère, en reconnaissance de son aumône. — Tu as combattu contre moi, contre toi, contre le sort, contre le sang ! La glace s’est longtemps voilée. Tout y oscillait. Tout y était tourbillon, obscurité, fumées. Mais enfin elle s’est éclaircie. Ce soir, je t’y ai vu, sortant de