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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/247

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au-dessus de sa tête — a les muscles de son père le toréador et peut défier les éléments ! Il n’y a point une dune, pas une anse, pas une grotte des falaises que je ne connaisse à présent, et où je ne puisse t’attendre, quand tu m’auras dit que tu y viendras. Peut-être — ajouta-t-elle avec rêverie — les femmes des contrebandiers sont-elles venues souvent aux mêmes lieux attendre ceux qu’elles aimaient et qui voguaient sur la mer. Je ferai voir à ces rochers une autre femme aussi intrépide, aussi patiente… Pendant qu’Hermangarde dormira en t’attendant sur la soie, moi, qui t’attendrai comme elle, je ne dormirai pas sur mon écueil. »

Elle s’arrêta. Ryno l’admirait, le visage tourné vers elle, esclavé par son charme qui eût fait croire à la magie. Il la regardait et l’écoutait, source de vie qui rejaillissait tout à coup quand on la croyait engloutie, et qui recommençait, flots et écumes, ses bouillonnements éternels. Il buvait au son de sa voix et aux regards de ses yeux. Il s’y désaltérait de cette longue soif le l’absence qu’il avait trompée avec Hermangarde, comme on trompe sa soif, quand on n’a pas de breuvage, avec la chair fondante d’un fruit délicieux. Bientôt, comme une ramure qui tombe sur une source, les ténèbres tombèrent entre eux. La lampe s’était éteinte. Le vent du nord siffla sur la chaumière, et le cheval, atta-