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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/249

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l’étendue, excepté le bouquet de houx pendu au bâton de la butte, dont les feuilles luisantes et foncées n’avaient pas gardé les glissants flocons. La chaumine des Bas-Hamet était plongée dans une paix infinie. Le sommeil l’avait visitée ; et à travers ses murs peu épais et ses portes mal jointes, on discernait, dans le vaste silence de la nuit, jusqu’aux respirations de ceux qui s’y étaient endormis.

Ils revinrent s’asseoir sur les gerbes. Ryno, qui n’avait encore vu que Vellini, depuis qu’il était avec elle, jeta un coup d’œil sur cette espèce de grange qui était alors tout l’appartement de cette fille du luxe et des villes.

— « C’est donc ici que tu demeures ? — fit-il, étonné de la nudité pauvre des choses qu’il avait autour de lui.

— C’est ici ! — répondit-elle avec fierté. — Tu vois, Rynetto, j’ai déjà commencé la vie des femmes de ce rivage. Je me suis déjà endurcie. La señora de la rue de Provence, l’Espagnole qui ruinait Cérisy n’est plus. Quand je te dis que tu me trouveras partout sur cette côte, la nuit, le jour, à toute heure, t’y attendant quand tu m’auras dit de t’attendre, je ne me vante pas, Ryno ; je l’ai déjà fait bien des fois depuis le jour de la Vigie. J’ai passé bien des heures à l’air du temps, assise ou errante dans les grèves, t’attendant toujours ; mais tu n’es pas venu.