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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/257

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corde à ses favoris. — Dans les transes de l’émotion qui le foudroyait, Marigny était encore capable de réflexion et de calcul. Quand il vit sa femme évanouie, certes ! il ressentit une atroce douleur. Il embrassait, d’une seule vue, l’effroyable série de tortures qu’elle avait traversées depuis dix heures du soir, pour revenir là, — à ce lit quitté dans l’angoisse et retrouvé dans l’agonie. Et pourtant, en présence de cette malheureuse, asphyxiée de froid, brisée par sa chute sur le bord de sa couche, il s’arrêta un moment et se demanda ce qu’il allait faire. Sonnerait-il, et se sauverait-il dans son appartement comme si c’eût été Hermangarde elle-même qui eût sonné avant de s’évanouir ? Laisserait-il seule la femme de chambre, étonnée de voir sa maîtresse habillée à cette heure, les pieds trempés de neige, le front glacé ? Et s’il se chargeait de rappeler lui-même Hermangarde à la vie, s’exposerait-il à la scène qui allait jaillir de cet affreux tête-à-tête ?… De quelque côté qu’il se retournât, la situation lui répondait toujours par le même mot : tragédie domestique, destinée perdue ! Le bonheur d’Hermangarde était irrévocablement détruit. Menacé depuis quelque temps par tout un ensemble de circonstances, ce bonheur dont il se préoccupait, il n’y avait qu’un instant, chez Vellini, il était impossible de le sauver. Alors