Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/258

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il pensa à sa femme, à la personne même de sa femme, si c’était fait de son bonheur.

Il se mit à genoux devant elle, et lui arracha ses bottines imbibées de neige et ses bas humides. Il réchauffa ses pieds de son haleine. Ainsi qu’une mère déshabille un enfant qui dort, il lui ôta sa pelisse et sa robe ; puis, écartant les couvertures et soulevant ce corps immobile qu’il n’avait vu jamais inanimé dans ses bras, il la coucha, et lui répandit sur les tempes de ces eaux pénétrantes et fortes qui dardent au cerveau engourdi la sensation de l’existence. Tout cela fut long, mais ce fut inutile. Hermangarde restait sans mouvement. La vie était suspendue en elle à une profondeur qui commença d’effrayer Ryno. Il était penché sur elle, étudiant à sa poitrine, à son front, à ses bras, toutes les pulsations de son être. Spectacle étrange que cet homme, dans cette chambre solitaire, au fond d’un château plein de domestiques endormis, qui veillait, botté, éperonné, et dans des anxiétés terribles, au bord du lit d’une femme évanouie ! Il attendit encore quelque temps avec des spasmes d’impatience, mais voyant que cette léthargie d’Hermangarde résistait à ses soins et à ses efforts, il eut l’idée d’appeler du secours. Seulement il entra dans son appartement pour rejeter ses bottes, accusatrices d’une course nocturne. Ses nerfs étaient