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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/305

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qui le saisissait devant ce beau corsage fermé d’Hermangarde, tant de fois ouvert et pressé sur son cœur, et qu’il fallait regarder maintenant avec le sentiment d’un homme à qui on a coupé les bras et dont le tronc mutilé bouillonnerait de passion et de volonté impuissantes ! C’est pour cela qu’il allait incessamment à ces deux femmes, affamé d’intimité, de confiance, de tendresse, quand il se rejetait à l’une qui n’était, hélas ! que le Souvenir, et qui le renvoyait, gorgé de caresses, engourdi de sensations, vers l’autre qui était l’Amour et dont la simple vue renouvelait son être et ravivait tous ses sentiments douloureux. Martyr et sybarite tout ensemble, il avait la conscience que les meilleures choses de sa vie, dignité, caractère, intelligence, facultés de bonheur, puissances du devoir, étaient broyées sous la double meule de pressoir de cette volupté insuffisante et nécessaire et de cette torture retrouvée toujours au sein de cette épaisse volupté. Il était mécontent de lui comme toutes les âmes qui se jugent et ne se domptent pas. Sa raison se forcenait dans le harnais de ces passions terribles qui nous sanglent le cœur et qu’il ne rompt qu’au risque même de s’éclater. Ah ! l’âme de l’homme n’est pas achevée ; c’est l’ébauche d’une tête de Dieu, sortie de la gaine monstrueuse de quelque bloc abandonné ! Elle traîne toujours