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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/306

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après elle, comme la croupe musclée du lion de Milton se détirant dans sa fange, les empêtrements du chaos. Ryno le sentait. Il admettait de plus en plus que sa conduite de cœur avec sa femme était déshonorante, et pourtant il s’arrêtait court quand les instincts de sincérité le poussaient aux pieds d’Hermangarde. L’idée qui émergeait de ses préoccupations : que cette sainte créature allait se cabrer devant lui, comme devant un traître, comme devant une foi mentie en amour, quand il serait vrai comme Dieu même en lui disant qu’il n’aimait qu’elle, faisait alors cabrer aussi toutes ses fiertés… Et semblable au cheval hérissé qui a flairé le précipice, il s’écartait et se renfonçait dans les grèves, du côté de la Vellini !… La conviction qu’il avait de n’être pas compris le reprenait, le reployait, le retordait, lui et ses pensées, comme un inextricable nœud de serpents. Dernière ressource de ceux qui souffrent ! il leva une empreinte de son âme ; il moula sa douleur dans un plâtre tourmenté comme elle, dans cette lettre qu’il avait tant hésité d’écrire à la marquise de Flers, et qu’il écrivit à la fin, sous l’impulsion de ce besoin de confession, plus impérieux dans l’homme que le besoin de respirer. Écrite, cette lettre, avec des bonds et des rebondissements de plume et de cœur, pareils à ceux d’une chute d’eau qui tombe de