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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/307

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pic en pic au Fond d’un gouffre, il n’osa pas la relire. Il n’osa pas s’exposer une fois de plus à la vertigineuse vapeur qui s’élevait de toute cette écume de son cœur, précipitée et furibonde, et il se demanda encore s’il y devait exposer la vieille tête affaiblie de l’héroïque amie qui lui avait donné sa fille, — quand un de ces événements imperceptibles à l’œil nu de l’observation extérieure répondit à ces hésitations et détermina l’envoi de cette lettre, comme le tact du doigt d’un enfant détermine la chute d’un fruit mûr.

Il y avait quelques jours que Vellini, un peu souffrante, était restée au Bas-Hamet, et que Ryno, ce malheureux à qui il fallait de l’opium, n’avait senti les engourdissements de sa Torpille, comme il l’appelait. Il était allé la voir cependant. Mais il l’avait trouvée, fumant son cigarro dans son hamac, en proie à ce morne dégoût de toutes choses qui la prenait quelquefois ; jaune, ridée et affaissée, comme si un affreux sirocco avait pesé sur elle. Revenu auprès d’Hermangarde, l’Yseult aux blanches mains, toujours sereine comme la Résignation et d’une beauté inaltérée comme l’eau des sources, il avait mieux apprécié la différence qu’il y avait entre ces deux femmes. Ce soir-là, entraîné par l’amour qu’il avait pour la plus belle et la plus adorable des deux ; aimable, car il voulait lui