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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/320

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avait, sans doute, créé en moi une de ces dépravations que ma raison n’avait jamais acceptée, mais que je n’avais pu arracher, — dirai-je de mon cœur ?… Cette maigre forme de Vellini, réapparue dans mon existence, hantait incessamment ma pensée. La tête appuyée sur l’épaule d’Hermangarde, le front enseveli dans cette touffe de lys qui n’avait que de bons parfums à me prodiguer, je ne rêvais qu’à Vellini ; je n’aspirais d’une narine altérée que l’odeur souvenue de la peau cuivrée dont j’avais bu la sueur, tant de nuits ! Je cherchais vainement aux surfaces marmoréennes de ce corps d’ange dans lequel vivait ma pensée, et qui m’appartenait comme la paix du ciel appartient à ceux qui l’habitent, ces sensuelles émanations respirées sur le sein de Vellini, ce fumet irritant de la bête humaine qui réveille ce qu’il y a de plus fauve dans nos appétits de plaisir et nous plonge en ces enivrements qui, malheureusement, ne tuent pas comme l’ivresse du mancenillier, mais qui font malade pour toute la vie, une fois qu’on les a éprouvés ! Vous le voyez, marquise, je cherche encore à m’expliquer ma folie, à me justifier cette incroyable préférence qui me ramenait à la Malagaise ! Souvent je ne pouvais m’empêcher de croire que ce qui me donnait, en pensant à elle, la troublante cuisson de tels désirs, était un de ces faits patholo-