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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/326

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pleines du poison qu’elle m’avait versé ; mais la tête et le cœur où j’avais cru étouffer tant de souvenirs, débordant d’un souvenir de plus ! En m’en revenant par ces longues grèves dont vous connaissez l’imposant aspect, j’avais repris tous mes remords, mais il s’y était ajouté la rage d’une tentative qui s’était retournée contre moi. Vellini m’avait volé mon libre arbitre ! « Que ta femme soit heureuse et aimée, — m’avait-elle dit avec des expressions inouïes et des sentiments plus inouïs encore, — mais que des heures pareilles me vengent de ton amour et de son bonheur ! Elle toujours, mais moi parfois ! » Et moi, comprenant sa pensée, n’admettant plus la vie sans cette incroyable maîtresse, qui n’avait pas peur de la plus redoutable rivale, j’acceptais le partage qu’elle m’avait proposé. Je ne me préoccupais plus que de cacher à Hermangarde une liaison qu’il m’était impossible de briser ; que de sauver le bonheur de cette noble femme et la dignité de notre amour. Oui, marquise ! j’aimais Hermangarde comme je l’aime encore. Le croirez-vous après ce que je vous écris ?… Croirez-vous qu’à côté de cette chose sans nom (car je ne l’appellerai pas du nom d’amour) qui me liait à la Malagaise, je n’avais pas dans le cœur pour votre Hermangarde cet amour que vous aviez béni ? Chère mère, d’autres que vous me le nieraient. Des esprits moins per-