Aller au contenu

Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/327

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

çants et moins éprouvés que le vôtre, des intelligences qui ne sauraient pas comme vous l’infinie variété de l’âme humaine et les singuliers problèmes qu’elle cache, ne croiraient pas à une si horrible collision dans un seul cœur. Et pourtant, rien n’est plus vrai ! J’aimais Hermangarde ! Ah ! j’ai besoin de vous le répéter sans cesse et surtout en arrivant au dénouement du récit que j’ai ose vous faire, et qui est encore plus douloureux pour moi que pour vous.

« Je rentrai au manoir, marquise, en proie à toutes les contradictions des âmes coupables qui se sentent perdues. Je me sentais prédestiné à Vellini… Des portes que j’avais fermées avec des précautions minutieuses et que je retrouvai entrebâillées, me donnèrent le frisson de pressentiments sinistres. J’entrai dans la chambre d’Hermangarde et j’eus l’affreuse certitude de la vérité. La malheureuse était évanouie sur le pied de son lit qu’elle avait eu peine à regagner. Elle était à moitié vêtue. Elle avait eu le courage insensé de se traîner jusqu’au Bas-Hamet, à travers les grèves couvertes de neige, et elle avait tout vu !… Je l’ai su, je l’appris par les révélations de son délire, alors que je veillais nuit et jour à son chevet et que le médecin tremblait pour sa vie. Elle m’apprit, malgré elle, dans ces effroyables insomnies de fièvre et de douleur où elle gisait sans connaissance,