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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/360

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les portes où j’allais vendre mon poisson, on en causait. Y a p’us, mère Charline. D’aucuns prétendaient que vous en saviez plus long que vous ne vouliez en conter, et que, bien des nuits, M. de Marigny était venu voir la Mauricaude au Bas-Hamet.

— Ceux qui disent cela en ont menti ! — s’écria l’innocente Bonine, dont la voix monta presque au niveau de celle de sa mère.

— Oh ! oh ! mademoiselle Bonine, — reprit le pêcheur de crabes avec une très remarquable intonation d’ironie, — il ne faut pas monter, comme un lait qui bout, au moindre mot qu’on dit en riant ! Parce que la Mauricaude vous a donné les deux bagues que vous avez aux doigts, et qu’elle vous faisait regarder queuque fois dans son miroir charmé où vous voyiez si votre amoureux contait fleurette à d’autres, quand il dansait à la foire de Portbail, ce ne sont pas des raisons, voyez-vous ! pour jurer si fort de sa vertu. »

Bonine baissa sur son fer, moins brûlant que sa tête, un front que l’obscurité qui venait peu à peu empêchait de bien distinguer. Il était vrai que Vellini lui avait donné les deux bagues qui ornaient ses mains potelées et roses, et qu’un jour Capelin, qui passait dans le sentier du champ, au bout du jardin, avait vu l’Espagnole montrer son petit miroir d’étain à l’ignorante