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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/53

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cassine de la mer, pour la délicatesse, et dont le foie écrasé donne l’éclat de la pourpre tyrienne. Il y a aussi de grandes abondances de coquillages : le crabe, qu’ils appellent le clopoint ; le homard, aux écailles d’un bleu profond ; les crevettes, de la couleur et de la transparence des perles ; les vrelins, spirales vivantes dans leur carapace mystérieuse, et qu’on mange avec des épingles ; enfin toutes les variétés de ces gibiers de la mer. Telle est la fortune incessamment renouvelée, la richesse naturelle des habitants de ces rivages. Ils pêchent tous, les uns pour vivre, les autres pour vendre leur poisson aux marchés voisins. Du reste, c’était bien moins les mœurs de ce pays qu’Hermangarde avait voulu connaître, que la mer elle-même. Elle avait traversé une partie de la France, curieuse de juger la grande merveille qu’elle n’avait entrevue que sur la toile inerte des peintres, ou dans ses pensées. Jusque-là, un autre rêve — le rêve exterminateur de tous — avait offusqué de sa flamme le beau songe qu’elle se faisait de l’Océan. Mais puisque le premier était devenu sa vie, elle voulait que le second eût aussi sa réalité. Il l’eut, et ce fut un bonheur dans le bonheur pour elle, une joie de l’âme qui lui entra par les yeux. Elle aimait. Elle admira. Est-ce que l’Admiration et l’Adoration ne sont pas sœurs ? Jamais elle n’oublia l’heure