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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/52

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core quelques places d’herbe, semées de crystes marines et de joncs ; puis on entre dans les terres labourées, dans des champs de blé, de chanvre et d’orge, qui mènent au bourg de Barneville et aux villages environnants.

Tel était, plutôt indiqué que décrit, le lieu pour lequel mademoiselle de Polastron quitta Paris, après son mariage, avec son mari et son aïeule, la marquise de Flers. Pour une jeune fille qui n’avait jamais vu que Vichy et Plombières où sa grand’mère allait parfois, ce pays retiré, sauvage, original surtout, cette pointe hérissée des côtes de la Manche, dut lui causer une impression d’une âpre saveur. Tout y attira son regard et rien ne la choqua. La population avec laquelle elle vécut est intelligente et n’est point grossière, quoique rude. La misère ne l’a point dégradée. La mer la nourrit, car cette côte qui paraît aride, est au contraire très opulente en toutes sortes de poissons. On y trouve, en des quantités inépuisables, des turbots, des plies, des raies déployées comme des éventails, des soles dont la chair tassée est ondée comme la mer elle-même, le lançon qu’on pêche dans le sable, le rouget, aux nageoires pâlement vermillonnées et qui est peut-être le dauphin dont les Anciens nous ont tant parlé ; enfin, l’honneur exquis des tables normandes, le surmulet, cette bé-