Aller au contenu

Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/58

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fance, à gravir cet effrayant promontoire, Quelquefois M. de Marigny abattait des mouettes ou des goélands, à coups de carabine, tandis que la belle Hermangarde ramassait des crystes marines, insoucieuse de son teint que l’air de la mer et le soleil hâlaient déjà. Longues promenades, entrecoupées de causeries divines, toutes pleines des mille grâces de l’intimité ! Ah ! comme ils oubliaient Paris, et le monde, et tout ce qui n’était pas eux-mêmes et cette solitude ! Si une rafale, si une ondée ou un orage les surprenait et les forçait à chercher un abri dans le cœur fendu d’un de ces rocs, Hermangarde, à couvert dans sa niche de pierres, ressemblait à une apparition surnaturelle. Elle était bien fière et bien imposante pour une Madone, pour une de ces simples et blanches images aimées du matelot ; mais avec sa taille majestueuse et sa robe fouettée par les vents, une imagination exaltée l’aurait prise pour le Génie Dominateur de la tempête. Ainsi vivaient-ils, s’appropriant autant qu’ils le pouvaient ce pays retiré et ses mœurs sauvages. Hermangarde ne craignait même pas de monter avec son mari sur ces bateaux pêcheurs qui rasaient les côtes, entre deux marées. La marquise de Flers s’était bien un peu opposée à ces petites expéditions. « Que craignez-vous, maman ? — lui avait-elle dit avec sa confiance en-