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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/64

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même pas. J’ai conservé avec elle à peu près le même train d’habitude qu’avant votre départ. Je ne vais chez elle ni plus ni moins parce que vous êtes partie. J’y fais mon tric-trac deux fois la semaine et j’y dîne tous les mercredis. Elle n’a jamais causé comme vous. Elle n’est pas restée du monde comme vous, qui n’avez pas vieilli, tout en prenant des années. Excepté deux ou trois sempiternels commandeurs de Saint-Louis et votre serviteur, elle ne voit personne. Elle ne rajeunit guères, par conséquent, son magasin d’anciennes histoires. D’ailleurs, entre nous soit dit, depuis que sa grande podagrerie augmente, sa bonne humeur diminue. Je crois qu’elle baisse… Elle devient mauvaise joueuse. Au tric-trac, au piquet, elle discute tous les coups. Vous voyez s’il y a, dans tout cela, madame, quelque chose qui puisse dédommager de votre absence, et la faire oublier au plus fidèle de vos sujets.

« Non ! rien n’en saurait dédommager. Songez donc que je vais chez vous tous les jours du bon Dieu, quand vous êtes à Paris ; que je n’ai pas mis une seule fois ma perruque, depuis vingt ans, sans aller vous offrir d’abord, comme à la reine de toute ma vie, les prémices de ses boucles renouvelées ! Permettez-moi de vous le dire, madame la comtesse, ce n’est pas que de l’amitié, c’est de la piété, cela. Je me