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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/71

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haut que c’était ridicule, absurde, impossible. Un pareil bruit me trottait perpétuellement dans la tête. Je voulais savoir ce qu’il en était, et pour cela, quelques jours après que vous fûtes partie, je m’en allai chez la señora.

« Je la trouvai dans son appartement de la rue de Provence, qu’elle n’a pas cessé d’habiter. On me dit qu’elle était à sa toilette, car il était trois heures et elle se préparait à sortir. Je fis comme l’ancien chancelier de France à la porte du Roi, je frappai trois petits coups et j’entrai par privilège. Elle était assise devant un grand miroir, enveloppée dans un vaporeux peignoir de couleur de soufre, jeté sur ses épaules de mécréante, en attendant l’autre qui sera de soufre tout de bon, et que le Diable lui passera un jour dans le boudoir de son enfer. Une grande fille qu’elle nomme Oliva, et qui est bien le plus bel animal femelle que j’aie jamais vu tisonner du regard les sens d’un chrétien, était debout derrière elle, tordant dans ses fortes mains, roses de santé et de jeunesse, la chevelure noire de la señora qu’elle coiffait. Je n’ai connu, par parenthèse, que la Duthé et la señora Vellini qui eussent le fastueux courage d’avoir chez elles des filles de cette beauté éclipsante. Il est vrai que la Duthé, avec son profil égyptien, ne craignait pas grand’chose, tandis que la Vellini, avec son