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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/92

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garde, — qui reste près d’une heure sans rien dire à ses deux enfants ! Que faisiez-vous donc, alors, les yeux fermés et dans le silence ?…

— Ah ! — fit la marquise, avec sa finesse accoutumée, — je vous écoutais vous aimer. »

Une nuance d’un rose pâle traversa les joues pâles de la chaste femme, qui plus d’une fois avait été obligée de mettre sa main sur les lèvres de son mari, pour y étouffer de ces ardents soupirs qui implorent mieux que la voix quelque caresse.

— « Mère, — dit-elle après une légère pause, — est-ce que vous êtes jamais de trop entre nous ? Est-ce que nous ne serons pas assez longtemps sans vous entendre, puisque vous voulez nous quitter, pour nous priver, pendant que vous êtes ici encore, de votre esprit et de votre voix ? »

Et elle jeta un triste coup d’œil vers la fenêtre, d’où l’on voyait la pluie tomber lentement sur les grèves.

— « C’est vrai, — répondit la marquise, suivant le regard d’Hermangarde, — voici l’hiver : il va falloir bientôt partir. Madame d’Artelles est pressée de revoir Paris et se plaint de ses rhumatismes. Vous allez rester seuls, mes chers enfants, mais la plus seule des trois sera encore votre vieille grand’mère, lorsqu’elle sera loin de vous.