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Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/139

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avait sous les yeux ; il pensait qu’il pourrait être vrai que cette cloison, cette impénétrable cloison d’un corps qui ressemblait à un cadavre, cachât une vie plus intense et plus lucide que la vie réelle, et le mot elle pourrait lire dans les cœurs lui retentissait dans la poitrine comme la voix de la délivrance retentit dans le cachot où le condamné s’agitait en croyant mourir. L’abbé Méautis n’avait pas souri des ironies du docteur. Ces deux hommes étaient trop aux antipodes de l’organisation humaine pour que l’un pût influer sur l’autre.

De toutes les impertinences que le sceptique médecin avait sifflées de cet air incomparablement dégagé qui est l’attribut de tous les sceptiques, quand ils sont spirituels, il n’avait retenu que le fait — le fait inouï, — attesté par d’autres médecins, plus sérieux que ce vieux moqueur qui se vantait d’aimer à rire : qu’il y avait une vie sous la vie, quand la première semblait disparaître.

Rappelez-vous que l’abbé Méautis, de nature et d’habitudes contemplatives, tendait vers la mysticité. Là où la science renferme tout sous l’inflexible réseau des lois naturelles, l’ignorant mais intuitif abbé étendait sur tout la bonté de Dieu, bonté infinie et dont l’homme qui a l’orgueilleuse habitude de faire de chaque borne une loi ne peut pas dire de cette bonté : « C’est