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Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/149

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— Oh ! tu saignes donc aussi, toi ! Ils saignent donc tous ! — fit-elle, comme si elle eût senti ruisseler dans ses mains la croix de son front, à travers son bandeau. Et elle les regardait, hagarde, ses deux mains dont elle écartait les doigts avec un geste sinistre… Et son impression devint si forte qu’elle tomba enfin de sa hauteur.

Mais Néel, en la recevant dans ses bras, l’éveilla. Ses yeux perdirent leur grandeur vide et leur fixité éblouissante… Ils ne s’ouvrirent pas, puisqu’ils étaient ouverts, mais ils s’emplirent de tous les afflux de la vie. Sa joue glacée tiédit… La pudeur y alluma sa rose, quand elle s’aperçut ainsi, dans les bras de Néel, qui, lui ! eut l’amour de les détacher d’autour d’elle lorsqu’elle fut un peu raffermie… Ah ! c’est vraiment aimer que de ne pas serrer dans ses bras la femme qu’on adore quand elle y tombe, et qu’on peut l’y étreindre ! et que le cœur s’en meurt de désir !!!

Elle le regarda, — reprit la vie où elle l’avait laissée. — Les lèvres du coupable portaient encore les signes de sa violence… Il comprit le céleste regard qu’elle eut pour ses lèvres à peine cicatrisées…

— Oui, pardonnez-moi, — lui dit-il, — j’ai assez souffert depuis cinq jours que je tremble de vous avoir tuée…