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Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/148

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autorité irrésistible : « Arrêtez, monsieur ! Une seconde encore ! »

Elle venait lentement à eux, sans se retourner, toujours reculant, mais fascinée par la vision terrible. — Oh ! il va m’atteindre, tout ce sang ! — disait-elle, convulsée. — Et elle relevait avec l’égarement de l’effroi sa longue robe traînante, comme si ce sang persécuteur, filtrant à travers la rainure des parquets, faisait déjà mare autour d’elle. Ô mon Dieu ! mon Dieu ! reprenait-elle, palpitante d’angoisse, de quoi donc suis-je coupable pour que votre sang furieux me repousse de votre croix, comme si chaque goutte était une main ?…

Néel haletait dans les bras de l’abbé, sous les morsures de cette voix faussée… contrefaite…

— Ah ! le coupable, ce n’est pas elle ! murmurait sourdement le prêtre.

Et sans doute pour ne pas voir plus longtemps ce sang acharné qui grossissait à ses yeux pâmés, comme une trombe, elle plongea sa tête dans ses deux mains, mais elle l’en retira, avec un cri, bien plus aigu que le premier, — un de ces cris, comme elle en poussait quelquefois, qui traversaient l’épaisseur des murs et allaient glacer la moelle de ceux qui passaient sur la route, dans le voisinage du Quesnay !