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Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/226

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vœux qu’elle avait secrètement prononcés, Néel n’avait plus l’illusion de la plus chétive espérance. Il l’aimait, comme ils disent qu’on ne peut pas aimer longtemps, les moralistes raccourcis ! Il l’aimait sans espoir. Et il l’aimait tant, cependant, quoique sans espoir, que la maladie dont elle était la proie couvrit de la peur de la voir mourir tous les autres sentiments de son âme.

Oh ! trembler pour la vie de ce qu’on aime, inquiétude suprême, terreur inouïe ! Il savait, oui ! qu’elle était perdue pour lui ; que les murs d’un couvent allaient bientôt le séparer d’elle tout autant que la pierre d’une tombe… N’importe ! Il n’y a que la mort qui soit irrévocable ! Les murs du couvent, au fond duquel elle allait s’engloutir, seraient chauds à baiser, tandis que la pierre d’une tombe est si froide !

Voilà ce qui serrait le cœur de Néel pendant cette maladie de Calixte, dont les progrès rapides comme de la flamme sur de la poudre n’épouvantaient pas que l’amour, mais la science elle-même… Les médecins qui soignaient la jeune fille étaient arrivés en peu d’heures à cet instant fatal dans les maladies où l’homme, battu par l’incompréhensible, se croise les bras et fait appel à la nature.

Ils le dirent à Néel et à l’abbé. Néel ne retournait plus le soir à Néhou, chez son père,