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Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/250

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vous ne l’aimiez pas, vous, seulement comme un frère. Pas d’excuse donc pour moi qui ne l’aimais pas de la même affection que vous, si je le retenais auprès de moi quand vous étiez si malheureuse de l’y savoir ! C’est pourtant là ce que j’ai fait. Il venait au Quesnay tous les jours. Il enveloppait ma vie dans la sienne, et je trouvais cela doux. Je l’ai laissé m’aimer, mais il ne le fallait pas… Et dans ce délire d’amitié dont j’aurais dû me défier davantage, j’oubliais qu’il y avait un cœur plein de Néel, un cœur qu’il délaissait pour moi et qui souffrait…

Il m’a fallu vous rencontrer, vous savez bien ! dans les landelles, le jour où vous reveniez de la chasse, pour me rappeler que vous l’aimiez. Votre visage me dit tout. Je fus bouleversée. Oh ! depuis je n’ai pu oublier qu’il y avait une Bernardine dont je brisais inconsidérément la vie. À dater de ce moment, j’eus soif de réparer mes torts envers vous, mademoiselle, mais des torts se réparent-ils jamais ! On se repent, mais le mal qu’on a commis est irrévocable.

Je ne puis pas faire que vous n’ayez souffert par moi, mais je puis me repentir et je me repens. Oh ! croyez que je me repens !… Je vais mourir. Demain, qui sait ? peut-être ce soir, je serai morte. Mais vous me direz, avant que je meure, que vous m’avez pardonné ! De-