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Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/38

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la feuille du saule, l’ami des eaux ! se voilaient de longs cils d’or bruni, qui traînaient longuement sur ses belles joues pâles, et tout en elle était de la lenteur de ces cils. La langueur de sa démarche était de la langueur de ses paupières. Je n’ai connu dans toute ma vie qu’une seule personne de ce charme alangui et jamais je ne l’oublierai… C’était une céleste boiteuse. Lasthénie ne boitait pas, mais elle avait l’air de boiter. Elle avait ce mouvement charmant des femmes qui boitent légèrement, et qui impriment à leur robe, à magie ! de si adorables ondulations. Elle respirait, enfin, dans tout son être, cette faiblesse divine, devant laquelle les hommes forts et généreux — et plus ils sont mâles ! — s’agenouilleront toujours !

Elle aimait sa mère, mais elle la craignait. Elle l’aimait comme certains dévots aiment Dieu, avec tremblement. Elle n’avait pas, elle ne pouvait avoir avec sa mère les abandons et la confiance que les mères qui débordent de tendresse inspirent à leurs enfants. L’abandon était pour elle impossible avec la sienne, avec cette femme imposante et morne, qui