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Page:Barrès - Les Déracinés.djvu/184

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LES DÉRACINÉS

testable, il demeurait plus longtemps que des médiocres éloigné du pouvoir, — qui faisait pourtant son véritable objet.

Peut-on dire intelligent celui qui sacrifie la fin aux moyens ? Il faut être Parisien et dénué de toute méditation pour prendre au sérieux des génies qui travaillent si âprement à gâter une situation facile. Cet homme fort est en réalité un personnage du plus haut comique. Mais, comme il est dur, il ne fait pas rire.

Renaudin, extasié par un champion politique « si bien en machine » et dont le style plaisait tant aux connaisseurs, rêva de « coller à sa roue » comme un cycliste à son entraîneur et, tête baissée, il pédale, pédale, sans vérifier vers quels paysages désolés cette belle course l’égare.

C’est tout à son honneur vraiment que séduit par une telle performance il ait encore de la curiosité, de la sympathie pour le développement obscur de ses camarades. Par son activité, il a réussi à se faire une place d’informateur habile ; sa promptitude à se dégager des scrupules de sa première moralité lui donne bon espoir de devenir un homme d’affaires. Mais il se sait peu instruit et mal à l’aise avec les idées. Voilà pourquoi il se rapproche toujours si volontiers de Rœmerspacher, de Sturel, de Saint-Phlin, de Suret-Lefort qui laissent en jachère des forces que lui saurait cultiver.

Précisément une circonstance semble favorable à cette exploitation.