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Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/170

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Non, l’argent ne fait pas le bonheur sans doute, mais il y contribue pour une large part.

— Si j’avais de l’argent, disait l’autre jour un homme éminent, je pourrais tant faire pour le bien de ma cause.

— Si j’avais de l’argent, me disait encore l’autre soir, une brunette aux yeux si beaux, j’épouserais mon fiancé et nous n’aurions pas à attendre une clientèle tardive.

Figurez-vous, acheter ainsi le bonheur à l’once !

En attendant, il y a bien des malheureux.

Le malheur prend toutes sortes de formes ; c’est un ingénieux qui invente tous les jours un nouveau genre de tortures.

Voyez ma protégée que le sort avait déjà assez maltraitée, la pauvre ; sur ses épaules alourdies des souffrances d’une autre, le sort joignait encore le regret cuisant d’en avoir été inconsciemment la cause.

Un peu d’argent eut apaisé ce désespoir. Pour un jour, j’ai eu l’envie de me faire quêteuse… Et si j’eusse été tendre la main vers vous, mesdames, qui resplendissez de diamants et de perles, vers vous, messieurs, qui faites rouler des écus sur les tapis verts de la tablé de jeu, dites, que m’auriez-vous donné ?


{{d|Lundi, 20 novembre.|2}

Toute mignonne, un peu frêle, dans son petit berceau garni de dentelles, on dirait un oiseau frileux, douillettement à l’abri des froidures, dans le duvet soyeux d’un nid charmant.

Longtemps je l’ai regardée dormir, hier, de ce petit sommeil d’enfant, si doux, si léger, que son souffle ne ferait pas frissonner une plume de l’aile d’un ange, et j’ai songé, penchée ainsi sur son gentil oreiller, qu’une âme de femme avait pris son éclosion dans cette délicate enveloppe de chair blonde et rose.

Car ma petite mie à peine compte quinze jours, et ne