Aller au contenu

Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/211

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Bien des fois, il faut employer les douches, la camisole de force, et vous vous imaginez facilement que, dans des conditions pareilles, l’ouvrage se fait en rechignant et mal.

Mais, il faut qu’il se fasse. Je mets donc le mot lundi, écrit en lettres de feu sur une paroi de mon cerveau, et, à mesure que les jours de la semaine passent, ce mot-là grandit, prend les proportions d’une bête horrible, d’un hideux cauchemar qui menace de me dévorer tout entière, à moins que je n’aie une proie à jeter dans la gueule du monstre pour l’apaiser.

Cette proie, c’est une douzaine de papiers manuscrits qui tranquillisent le cerbère pendant quelques jours… et, c’est toujours à recommencer.

N’importe, j’oublie momentanément le prochain lundi quand j’ai satisfait aux exigences du présent, et, grand est mon contentement, le devoir rempli.

Bien ou mal, ça, c’est un détail dont je ne m’occupe guère. Il est fait, voilà le principal, et je lâche la bride à mon esprit qui recommence à courir la prétentaine comme de plus belle.

Quel bohème que celui-là ! Et, quel récalcitrant qui n’entend pas toujours raison, et, bat la campagne plus souvent qu’à ses heures.

Si vous le suiviez, trottinant, quand, les coudes appuyés sur mon pupitre, ma tête repose entre mes deux mains, vous verriez avec quel nomade inconstant il me faut compter.

C’est ainsi qu’en guerre continuelle, sans la moindre trêve, avec mon autre moi-même, les semaines succèdent aux semaines, les années s’accumulent, et, la vie passe…

Au fond, que m’en reste-t-il ? La consolation peut-être, d’avoir éveillé quelque sympathie, d’avoir versé le baume sur quelques blessures…

Si l’on pouvait compter seulement sur cette certitude,