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Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/236

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revient avec son cortège de souvenirs, — pauvres ombres, hélas ! tant négligées dans le surmenage de la vie des villes.

Une à une, elles s’arrêtent longuement devant nous, on les revoit toutes…, quelques-unes avec un redoublement de tendresse, d’autres avec un pardon plus entier, sans aucune amertume, car on se sent trop de mansuétude au cœur pour haïr, trop d’infini pour s’arrêter aux petitesses.

Le passé ne nous est cher que par les êtres aimés qui l’ont traversé ; on jouit du présent sans préoccupation pour l’avenir.

Le corps, comme l’âme, bénéficie de ce recueillement bienfaisant, et l’organisme tout entier éprouve une sensation de fraîcheur et de repos, qui retrempe du coup ses forces alanguies.

C’est le doux rien-faire après les rudes travaux, la halte au milieu du chemin ardu. On dépose son bâton de pèlerin et, regardant autour de soi, on puise un courage nouveau avant de continuer sa course.

Combien durera-t-elle encore ? combien de tournants faudra-t-il franchir avant d’arriver au but ?

Nul n’en sait rien. Les plus beaux jours sont-ils toujours les plus longs ?

Par les fenêtres ouvertes des salons, brillamment illuminés, parviennent à nos oreilles les sons mélodieux d’un délicieux orchestre.

Ces ravissantes symphonies nous remuent étrangement au milieu du silence de la nuit…

La valse gracieuse a des rythmes plus enivrants, la gaie ritournelle, des accents plus voilés, mais l’une et l’autre s’harmonisent avec les décors de la voûte céleste, et augmentent la majesté de la scène qui se joue au-dessus de nos têtes.

La musique sur l’eau ! c’est ce qui doit le mieux rapprocher des concerts du ciel…