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Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 3.djvu/110

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journal de ma vie.

de la rue, et mirent le feu aux voysines, et les ruines de ces maisons fermerent l’avenue de la porte, en sorte que l’on ne pouvoit sortir de la ville parce que Mr le Prince avoit fait fermer les autres portes. La ville estoit sy pleine de monde qu'elle regorgeoit, et il estoit a craindre que le feu, quy approchoit de six vingts milliers[1] de poudre, ne consumat la ville en un instant. Nous estions en cet estat quand le feu prit a ces trois charrettes de poudre, dont la violence jetta les fenestres et vittres de la chambre ou nous estions, contre nous, avec une grande impetuosité. Je m’imaginay bien ce que c’estoit : mais je pensois le mal plus grand que, graces à Dieu, il ne fut. Je sortis en mesme temps a la rue pour donner ordre à tout. Mais la confusion estoit extreme, et chascun pensant a soy mesme, et a son salut, n’accouroit point a esteindre le feu : tout le monde cherchoit a sortir, et personne n’en trouvoit le moyen. En fin je fis rompre une des portes condamnées par laquelle chascun sortit, et ayans eu par cet expedient nos coudées plus franches, nous esteignimes le feu et mismes nos poudres en seureté, y ayant eu quelque cinquante personnes peries par le feu.

Je partis le samedy 13me de Lunel avec la cavalerie que le roy demandoit, et vins coucher a Mauguiot d’ou je partis le dimanche 14me, et mis laditte cavalerie en battaille devant Montpelier, puis vins trouver le roy a six heures du matin, comme il vouloit partir de Villeneufve de Maguellonne[2] pour venir a Mauguiot.

  1. Il y avait aux précédentes éditions : des six milliers.
  2. Le roi était parti de grand matin de Frontignan par eau ; il