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Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 3.djvu/125

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1622. septembre.

sur le Merdançon[1] quy est un ruisseau quy coule au bas de la montaigne. Je courus lors aux Suisses et leur fis prendre les armes et marcher droit aux ennemis quy poursuivoint les nostres jusques au Merdançon.

Il arriva que le roy avoit disné et estoit en une loge au haut de son logis avec plusieurs princes et seigneurs, lesquels virent cette sortie et y coururent avec un tel desordre qu’ils ne connurent jammais lesquels estoint les ennemis ou les nostres, jusques à ce qu'ils s’en virent investis ; et Mr de Montmorency par bonne fortune ayant rencontré Argencourt[2] quy ne le voulut point faire tuer comme les autres, [Argencourt] luy dit : « Monsieur, retirés vous par là », ce qu’il ne se fit pas dire deux fois ; et bien qu’il se hastat fort, il ne peut esviter deux coups de piques des ennemis, quy neammoins furent legers, et en fut tost guery. Les autres quy estoint venus de mesme compagnie furent tous tués, assavoir : Mr le duc de Fronsac[3], jeune prince de très grande esperance et quy fut a mon avis esté un jour un grand capitaine ; je n’ay jamais veu

  1. Le Merdanson, ruisseau désigné dans les plans modernes sous le nom de Verdanson, coule de l’ouest à l'est, au nord de Montpellier, et va se jeter dans le Lez. ― Il fallait le passer pour aller du camp royal à la butte Saint-Denis.
  2. Pierre de Conty, seigneur d’Argencourt, était lieutenant au gouvernement de Montpellier avant le siège : il conserva cette lieutenance après la paix. Depuis il se fit catholique, et servit avec distinction ; il devint maréchal de camp en 1637, et lieutenant général en 1653.
  3. Léonor d’Orléans-Longueville, duc de Fronsac, fils de François d’Orléans-Longueville, comte de Saint-Paul, duc de Fronsac, et d’Anne de Gaumont, marquise de Fronsac, né le 19 mars 1605, était dans sa dix-huitième année.