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Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 3.djvu/264

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journal de ma vie.

extravagance et pleurer a la veue d’un chascun ; qu'en fin il ne vouloit point se compromettre devant le monde, et qu’il estoit plustost resolu de rompre cette audience et de me la donner particuliere, que de traitter d’aucune affaire devant le monde avec moy. Il me fit de grands sermens qu’il me disoit verité et qu’il n’avoit peu porter le roy a me voir autrement, me priant mesmes de luy donner quelque espedient, et que je l'obligerois. Moy quy vis que j’allois recevoir cet affront, et qu’il me prioit de l’ayder de mon conseil pour eviter l’un, et m’insinuer de plus en plus en ses bonnes graces par l’autre, luy dis que je ne pouvois en façon quelconque faire autre chose que ce quy m’estoit commandé par le roy mon maitre, mais que puis que, comme mon amy, il demandoit mon avis sur quelque espedient, je luy dirois qu’il despendoit du roy de me donner ou oster, accourcir[1] ou prolonger l’audience en la forme qu’il voudroit, et qu’il pouvoit, apres m’avoir permis de luy faire la reverence et receu avesques les lettres du roy les premiers complimens, quand je viendrois a luy desduire le sujet de ma venue, m’interrompre et me dire : Monsieur l’ambassadeur, vous venés de Londres et avés a y retourner : il est tard, et cette affaire requiert un plus long temps que celuy que je vous pourrois maintenant donner. Je vous envoyeray querir un de ces jours de meilleure heure, et en une audience particuliere nous en confererons a loisir. Cependant je me contente de vous avoir veu, et sceu des nouvelles du roy mon beau frere et de la reine ma belle mere,

  1. Il y avait aux précédentes éditions : adoucir.